L'école au service du capitalisme?

L'école apparaît comme une structure centrale de la société pour maintenir son organisation pyramidale, et ce de plusieurs manières.

L'école prépare au marché du travail

Intériorisation des normes

Par la discipline, l’évaluation et la compétition, l'école enseigne les normes de performance et d’efficience, éléments clés du libéralisme managérial.

Ivan Illich (1971) explique de plus que l’instruction à la nécessité de l’école nous rend client de toute institution et tout ce qui ne s’insère pas dans le cadre d’une profession nous inspire la méfiance. Les futurs travailleurs suivent alors les voies tracées par l’Institution non seulement par nécessité d’intégration économique, mais aussi sociale.

Formation à la posture professionnelle

L’école forme des travailleurs adaptables aux besoins du capitalisme. Elle développe des compétences « transférables » (lecture, calcul, obéissance, gestion du temps), utiles à l’économie libérale.

La rigidité des horaires scolaires est influencée par l’industrialisation à partir du XVIIIe siècle: la nécessité d'une main-d'œuvre disciplinée et ponctuelle a poussé les écoles à adopter des horaires fixes pour habituer les élèves à une routine semblable à celle des usines (Michel Foucault, 1975).

L'urbanisation croissante a également joué un rôle dans cette organisation temporelle: dans les villes, la gestion d'un grand nombre d'élèves nécessitait une organisation stricte pour assurer l'efficacité et l'ordre dans les écoles.

Des parcours d'études dictés par le marché du travail

En catégorisant les élèves par types de formations professionnelles, l'école oriente les individus vers des rôles spécifiques dans l'économie, créant ainsi une main-d'œuvre diversifiée et hiérarchisée qui alimente le marché du travail capitaliste.

Perpétuation des inégalités

Cette segmentation prépare les élèves à accepter et à perpétuer les inégalités sociales inhérentes au capitalisme, en assignant des valeurs différentes à diverses professions et niveaux d'éducation. L'école entretient les privilèges réservés à une élite à travers un système de sélection et une pédagogie favorisant les inégalités.

Le marché scolaire participe au phénomène de métropolisation

Le système scolaire contribue à la concentration urbaine: à partir du XXe siècle, le phénomène de métropolisation est renforcé par le système de sélection et le marché scolaire. Les établissements scolaires de meilleure qualité étant centralisés dans les grandes villes, les familles préfèrent souvent se déplacer vers ces zones urbaines pour accéder à une éducation d’élite. Ce mouvement renforce la concentration des populations dans les métropoles, au détriment des zones rurales et des petites communes, et contribue à la dévitalisation des territoires locaux. Or, la métropolisation est un processus central de la mondialisation de l’économie libérale.

L'école permet aux deux parents de travailler à plein temps

Un autre objectif économique et social du système scolaire est de favoriser l'émancipation des femmes en offrant un service de garde d'enfants. Les confinements pendant la pandémie de COVID-19 ont rappelé l'origine de la maternelle : nous avons vu précédemment qu’au début du XIXe siècle, les salles d'asile ont été créées pour suppléer les différentes formes de garderie, permettant ainsi aux parents, surtout aux mères, de travailler. Bien que ce rôle émancipateur soit souvent mis en avant dans les discours, il s'agit en réalité d'une motivation principalement économique.

Selon Véra Nikolski (2023) c’est la conjonction entre l’augmentation du besoin de main d’oeuvre dans un contexte d’industrialisation et la libération des femmes grâce à la technologisation (qui réduit considérablement le temps des tâches ménagères, fait drastiquement baisser la mortalité infantile et réduit le besoin de force physique dans une large partie des domaines professionnels) qui rend possible l’arrivée massive des femmes dans le marché du travail.

Il faudrait prendre en compte un autre élément: l’école joue un rôle crucial pour permettre aux deux membres du foyer de participer au marché du travail en fournissant un cadre où l’éducation des enfants peut être prise en charge pendant la journée. Cette fonction est essentielle pour une économie capitaliste qui pousse à une augmentation constante du temps de travail tout en diminuant le pouvoir d'achat des ménages. En effet, sans cette structure de garde, il serait difficile pour les familles de maintenir leur niveau de vie, car un seul revenu ne suffit généralement plus pour subvenir aux besoins du foyer. Dans les faits, plutôt que de permettre une réelle indépendance financière ou une plus grande liberté, ce système contraint les deux parents à travailler pour compenser la baisse du pouvoir d'achat. Cette nécessité de double revenu est devenue une obligation économique plutôt qu'un choix émancipateur. Ainsi, l'école, en offrant des services de garde, participe à maximiser la force de travail disponible pour soutenir le système capitaliste.

Conclusion

Le système scolaire est donc profondément imbriqué dans le système sociétal global, et constitue une pierre angulaire de son économie libérale en préparant les élèves au marché du travail, en s'adaptant à la logique de la mondialisation et en augmentant la main d'oeuvre disponible grâce à sa fonction de garderie.

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